Nos politiques, locaux et nationaux, adorent jouer sur les mots. Pour éviter de stigmatiser une ville ou une catégorie de population, les élus ont recours au fameux "sentiment d'insécurité" qui repose, non pas sur une réalité des faits, c'est-à-dire que l'insécurité n'existe pas sauf dans l'imagination anticipatrice des gens
Or, le sentiment d'insécurité est aussi nocif que l'insécurité elle-même, car elle génère des comportements anormaux, de la méfiance, de la suspicion, de l'intranquillité. Un exemple très précis : prenez le Forum République. Prenez l'espace couvert qui relie le parking au Forum, face au supermarché. Prenez six à sept personnes qui y stationnent en permanence, pour des raisons qui les regardent mais qui dépassent toute logique : il fait froid, humide, ce n'est pas du tout glamour, c'est même sordide.
Certes, l'endroit est abrité. Mais c'est un lieu de passage, enfin c'était un lieu de passage. Car malgré tout, la méfiance conduit au sentiment d'insécurité, car traversez cet îlot de six à sept personnes conduit, de facto, à une réticence. La preuve : comment expliquez-vous qu'un peu plus loin, ce même passage ait été fermé avec des grilles à chaque bout ?
Dans la tête d'une personne seule, surtout si elle est âgée, emprunter un passage déjà occupé par six ou sept personnes qui ne sont pas là pour traverser avec elle, mais qui sont là, en stationnement prolongé, peut être troublant. Et voilà comment naît ce sentiment d'insécurité. Sans aucun doute par ignorance de l'autre mais il suffirait aussi que l'autre, justement, prenne en compte que sa présence, nombreuses, peut créer un trouble, cela s'appellerait alors de la compréhension.
A Vierzon, en plus de l'insécurité dénoncée notamment par les riverains de Villages, il y a, plus nocif encore, le sentiment d'insécurité qui est permissif. Car il jette le doute sur tout le monde ! Non pas qu'il faille interdire les rassemblements de plus de sept personnes mais entamer un dialogue ne serait pas de trop. N'est-ce pas le rôle des personnes récemment embauchées par la ville ? Souvenez-vous : une épicerie rue Joffre aimantait un groupe de gens. L'épicerie ferme et le groupe se déplace place du Marché au blé. Puis au Forum République. La question est de savoir : pourquoi occuper un espace public de telle façon ? Pourquoi pas un autre lieu plus adéquat ? Pourquoi ici et maintenant ? Pourquoi ne pas faire autre chose ?
C'est étonnant mais ce jeudi après-midi, dans le passage qui mène au supermarché, il y avait ce sentiment latent d'insécurité qui n'est pas normal parce que la situation ne l'est pas car le lieu occupé n'est pas un lieu dédié à cela. C'est un lieu de passage et à partir du moment où dans ce lieu de passage, on doit slalomer entre des gens qui sont sans aucun doute sympathiques, on peut comprendre que cela "gêne". Comprendre le sentiment d'insécurité est aussi important que comprendre les motivations qui font qu'un groupe de personnes occupe systématiquement un lieu, sans raisons apparentes. C'est un équilibre, difficile, à trouver. Ce n'est pas stigmatiser, c'est énoncer clairement un problème, sans l'étouffer sous une culpabilité artificielle, parce que si un groupe de gens exprime sa liberté à être ici, on peut admettre qu'un autre groupe de gens revendique sa liberté à traverser ce passage sans réticence, tranquillement, dans la normalité. Or, on sent bien que la situation n'est pas du tout normale. Et c'est là le problème : moins elle est normale, plus elle perdure. Et plus elle devient un vrai problème.