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Vierzonitude

Le blog que personne ne lit... mais dont tout le monde parle


Philippe Brée, médecin généraliste, défend avec ardeur l'hôpital où il fut interne

Publié par vierzonitude sur 3 Octobre 2017, 13:57pm

Philippe Brée est médecin généraliste à Vierzon. Très engagé dans la défense des services de l'hôpital de Vierzon, c'est surtout un ancien interne de l'établissement vierzonnais, d'où son attachement à cet hôpital et à cette ville dans laquelle il est arrivé à l'âge de 26 ans, en 1986. Philippe Brée s'était engagé politiquement sur la liste de l'actuelle majorité. Il a démissionné de ses fonctions, pour raisons personnelles en 2016. Il a notamment participé à l'élaboration du centre de santé municipal, construit route de Neuvy. Son crédo reste "l’accès aux soins de qualité pour tous » et protéger « le système de santé des lois du marché et de la productivité". Il répond aux questions de Vierzonitude sur la situation de l'hôpital de Vierzon.

Philippe Brée, médecin généraliste, défend avec ardeur l'hôpital où il fut interne

Entre votre internat à l'hôpital de Vierzon et aujourd'hui, que s'est-il passé, selon vous, pour que le centre hospitalier soit à ce point au bord du gouffre ?

En 1986 l’hôpital de Vierzon était polyvalent, accueillant aussi bien les infarctus que les détresses sociales au sens « hospitalier » du terme ; au fil du temps, et c'est une bonne chose, des spécialisations sont arrivées au profit d'autres hôpitaux plus importants, occasionnant une diminution d'activité. 


L’hôpital devient alors « de  proximité » ce qui est, en fait, un compliment pour ce qui a toujours fait la force du CHV : l'accueil du patient et la gentillesse du personnel soignant. Les difficultés de recrutement médical ont augmenté, mais Vierzon a toujours réussi à surmonter plus ou moins ce problème ; j'y reviendrai.
 

Les grosses difficultés remontent aux débuts des années 2000 avec les budgets de restructuration des urgences, de la maternité, de la construction du bâtiment Robert Leroux et de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de la Noue : sur 30 millions d'euros de coût, seulement 1 million d'aide de l’État ! Tout le reste financé par un emprunt  hospitalier qui va entretenir une dette chronique.


En 2009 la tarification des actes à l'activité ( T2A)  induit une logique de rendement et de restriction budgétaire : seuls les actes tarifés comme dans une clinique privée budgète l'hôpital... C'est inadapté pour les hôpitaux de proximité et tellement concurrentiel pour les cliniques face à de gros hôpitaux qu'un syndicat de médecins libéraux a demandé récemment d'effacer la dette de tous les hôpitaux de France (29 milliards d'euros quand même !) et d'abandonner la T2A.
 

On parle d'un problème de tarification, de moyens financiers, mais n'y-a-t-il pas aussi, comme pour la médecine générale à Vierzon, un manque cruel de candidats ?


Au CHV, il y a des médecins en service de médecine, en gériatrie, aux urgences et au SMUR, des gynécologues, un pédiatre, une rééducatrice, un radiologue, deux biologistes, un urologue, des consultations de pneumologie, de stomatologie, d' ORL et des chirurgiens viscéraux et orthopédiques.


Il n 'y a plus d'ophtalmologiste et la chirurgie a failli ne pas se renouveler après les départs des Dr Irles et Randriana. Manque de chance pour l'ARS, qui n'attendait que cela pour fermer la chirurgie, les rendez-vous avec les chirurgiens actuels sont pleins à  deux mois. Des difficultés il y en a certes, mais toujours montées en épingle quand on veut fermer une structure.

 

Imaginez-vous vraiment l'hôpital de Vierzon sans sa maternité, sa pédiatrie et sans son  service de chirurgie ouvert 24 heures sur 24 ?
 

Et pourquoi pas une ville sans commissariat, sans mairie, sans école, une ville qui ne s’appellerait plus Vierzon mais « Grand Bourges »   après fusion avec la préfecture. On prend les Vierzonnais pour des quiches ! 

L'Agence Régionale de Santé Centre (ou l'Agence de Radiation des Soins...) va essayer de nous vendre à la place de la  maternité, un Centre de périnatalité, sans accouchement bien sûr. Et l'on va nous dire que c'est un progrès, à coups de Novlangue technocratique avec des mots comme «  travail collaboratif », « restructuration intelligente », « mutualisation,optimisation, fluidification » et autres comparaisons mécanistes. C'est en fait une régression avec des kilomètres de déplacement en plus et des renoncements aux soins (les transports sanitaires ne sont pas pris en charge par la sécu sauf ALD).

Dans le meilleur des mondes, que faudrait-il faire pour pérenniser les activités de l'hôpital de Vierzon ?


Supprimer la dette ou tout au moins l'alléger des non paiements par l'Etat des rénovations et constructions des années 2000 ; supprimer la T2A ; donner un budget annuel normal pour un bassin de 60 000 habitants.

 

On fait remonter les problèmes de l'hôpital à l'échec de la fusion entre la clinique du Bas-de-Grange et l'hôpital en 1994 ? Pensez-vous que le partenariat public-privé, comme à Saint-Amand-Montrond, soit une solution ?

Je ne pense pas, c'était plus un argument pour l'Agence Régionale d'Hospitalisation de l'époque pour raboter le CHV, et les partenariats publics privés ne sont pas légions.

En 2000, l'Inspection générale des affaires sociales préconise des solutions qui semblent êtres mises en place aujourd'hui. Les solutions d'hier mises en place aujourd'hui sont-elles encore d'actualité ?


Il faut comprendre comment marchent les « Agences » de type IGAS (Inspection générale des affaires sociales), ARH (Agence régionale d'hospitalisation (avant 2009) et maintenant ARS (Agence régionale de santé). Prenons l'ARS Centre à Orléans, rue du Faubourg Bannier : quelques personnes au comportement de caporaux, aux ordres du Ministère de la Santé, dans quelques petits bureaux, gèrent les budgets de tous les hôpitaux de la région Centre !
 

Au mieux ils se comportent en géographe. (dialogue imaginé : « Vierzon ? Ce n'est qu' à 30 kilomètres de Bourges, alors on dégraisse le mammouth pour faire des économies ! »). Au pire ils se comportent en hyène, avec quatre stratégies d'attente pour  dépecer ou fermer un service ou un hôpital :
1) un déficit hospitalier
2) une pénurie de médecins ou de chirurgiens
3) un service pas aux « normes » (et le nombre de normes françaises sont hallucinantes.)
4) ou un fait divers dramatique.

Recette garantie pour terrasser les petits hôpitaux et sûrement aussi bientôt  les centres hospitaliers universitaires... (CHU).

 

Pensez-vous que la puissance publique, politique et citoyenne, peuvent empêcher un dépeçage de l'hôpital ?


Oui si tous les élus vont... en marche avant, et non, si certains reculent en abandonnant l'objectif de garder la maternité et le bloc opératoire. Et n'oublions pas que la tour penchée, symbole de Vierzon, serait une allusion à la chute du pouvoir seigneurial. Tous les moyens de mobilisation sont bons, de la grève réelle, perlée ou du zèle, à la créativité sur les réseaux sociaux, aux pétitions, en passant par votre idée d'envoyer à l'Agence régionale de santé les dates de naissance et initiales des natifs de Vierzon.

Le directeur va présenter ses scénariis à l'Agence régionale de santé, à votre avis, quelle solution choisira l'ARS ? Ou quel est celui que l'ARS ne doit surtout pas choisir ?


Un choix est une impasse, deux un dilemme, trois le début d'un vrai choix. En psychologie et manipulation des masses, les deux scénarii nous enferment dans un choix illusoire où préférer la suppression des quarante postes ne sera qu'une étape rapide vers la fermeture des services.

 

En marge de l'hôpital, la maison médicale de santé à laquelle vous avez participé en tant que conseiller municipal, peut-elle vraiment attirer des candidats pour étoffer l'offre de soins ?


On parle beaucoup de remédier  « au désert médical », on devrait plutôt parler de « maintenir une offre de soins  primaire ». Cela ouvre des perspectives, comme par exemple la délégation de tâches à des infirmiers formés à la prescription et à la consultation pour des pathologies chroniques afin de libérer du temps médical. Les jeunes médecins demandent à pouvoir exercer en groupe pluridisciplinaire et autant en salariat qu'en libéral.
 

Maison de santé pluridisciplinaire, Centre de santé, Pôle de santé, toutes les solutions sont bonnes du moment qu'elles marchent : il faut être ouvert et pragmatique. Un Centre de santé a plus de chance d'attirer de jeunes médecins car l'engagement est plus réversible qu'en maison de santé. Le turn-over sera peut être plus important, mais la garantie d'une présence, plus forte qu'en maison de santé.

Parlons aussi des groupements hospitaliers de territoire (GHT) qui sont des outils des ARS pour encore appauvrir les petits hôpitaux dans des départements en difficultés.En effet un hôpital support de GHT comme Bourges est déjà en déficit, et va être tenté par les pouvoirs juridiques qui lui sont donnés de prendre des moyens humains à Vierzon ou St Amand pour se renforcer. Et au lieu d'avoir de l'irrigation on aura du drainage.

 

Pour vous, ex-interne, médecin, citoyen, Vierzonnais, en quoi êtes-vous attaché à cet hôpital et à ses services ?

Arrivé à l’âge de 26 ans à Vierzon je me suis rapidement adapté à cette ville, n'ayant pas à porter le deuil de ses  5.000 habitants perdus et de ses fermetures d'usine. L’hôpital de Vierzon a été une formidable école technique et humaine de formation et reste un lieu où des personnes exceptionnelles travaillent : du personnel administratif à l'agent de service en passant par les infirmier(e)s ou les médecins, c'est un lieu où tout le monde se dit bonjour dans les couloirs, un petit signe, mais qui porte beaucoup d'espoir et d'humanité. 

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Q
Une bonne explication de la situation des hôpitaux quasiment tous en déficit budgétaire après les avoir transformés en entreprise avec la T2A qui impulse à ne pratiquer que les actes qui rapportent et à abandonner les services dit non-rentables. Cette sélection des actes prive la population locale du service public indispensable pour garantir une qualité de soins identique pour tous. Les services publics ne doivent pas être des services au public, ils ont un coût que la collectivité doit supporter au bénéfice de tous pour garantir l'égalité inscrite sur nos frontons.
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